lundi 10 décembre 2012

Une femme alibi



Résolutions

Cela, je ne le dois plus l’accepter. La prochaine fois, j’inviterai Annelise dans le plus infâme boui boui qui existe Faubourg du soleil au milieu des pallaques et des loubards pour manger sur une toile cirée douteuse un cassoulet bien visqueux au gros rouge qui tache. Quoique non, finalement, car ce serait ensuite un sujet de conversation original pour sa coterie. Ou je lui proposerai d’aller en visite à la galerie de C. son meilleur ami, le nec plus ultra de la Cévenne d’en haut qui ne salue personne à moins d’être du cénacle.

Je suis une femme alibi. Une sorte de demi mondaine bon marché dont il n’y a rien à redouter, pas arriviste pour deux sous, dont on aime la société, que l’on encourage -un peu- mais que l’on ne présente pas au gratin et/ou dont on a peur de la lancée. De cela, je me fous. (J’entends, du gratin, pas du reste.) C’est seulement le symbole qui m’affecte. Est-ce moi qui génère ces comportements chez les autres ? Est-ce inéluctable ? C'est forcément moi puisque personne n'y échappe dans mon entourage.

Le fait est: je ne suis ni Cévenole tout à fait, et puis, de la Cévenne quasi provençale, pas celle des châtaigniers, (cela ne parait pas mais ça fait une belle différence) ni parisienne tout à fait, quoique ce soit ce qui me semble le plus qualifiant pour moi car personne n’est vraiment parisien, je suis très bien parmi les métèques, ni grande bourgeoise tout à fait, même si je me sens plus à l’aise à présent parmi les Demarret qui m’aiment que parmi les Boissier qui me détestent, ni prolote tout à fait, bien qu’ayant servi le peuple vingt ans pour un salaire de misère, ni intello (si, un peu tout de même) mais aussi paysanne -mais pas tout à fait, je m’épuise vite- ni artiste -qu’est-ce que ça veut dire ?- ni rien. C’est sans doute ce qui dérange les gens. Inclassable. Et si justement je profitais de ce personnage que je n’ai pas choisi d’incarner et qui me pèse pour… Pour quoi ? Le retourner ? A voir. Ce pourrait être drôle. 
Le lendemain 

Le cyclone encore: Rita, après Catherine. Pourquoi leur donne-t-on des noms de femmes ? L’Amérique morfle salement. Si j’osais… Dies irae, Bush.

Rebelote avec Erwan, qui m’appelle à nouveau alors que depuis dix jours j’avais la paix, (et depuis quatre mois, presque rien, le bonheur)… pour me dire diverses choses marrantes… et moins marrantes. Messages sur répondeur. La moins drôle, ce sont ses menaces envers Nathan et Guillem. Apparemment, quelqu’un lui a lu mon livre attentivement et a pointé le passage qui était passé inaperçu à tous, en effet sans intérêt véritable, celui, ultra bref, où je parle d’un «tramway nommé désir» et de Nathan. La conclusion d’Erwan, pas si nulle au fond, est que j’aime Nathan malgré tout et non lui, qui m’aurait "réparée"pourtant. Je l’aurais utilisé etc… Pas tout à fait faux mais c'est bien lui qui m'a couru après et qui finalement m'a "eue" au souffle. C’est tout juste s’il ne m’accuse pas de détournement de mineur. Mais du coup, sa rage contre Nathan est décuplée et je n’aime pas ça. Par contre, le second coup de fil est plus joyeux et même carrément marrant. Il m’y dit (toujours sur répondeur) qu’il ne m’a jamais aimée, que je me vante sottement, que je suis vieille et moche, qu’il est content, très content même d’être enfin débarrassé de moi et que je ne lui manque pas du tout, mais alors pas du tout… etc (!) J'ai éclaté de rire; comment peut-il être si candide -et si retors d’autres fois- même à 30 ans ? Il me reproche aussi le livre qui «ment». Ça me rassure: c’est après moi qu’il décharge son ire cette fois, je préfère. J’ai enfin identifié son nouveau numéro et l’ai mis membre de la liste «emmerdeur» -mode silence total- ce qui n’empêche pas messages et SMS.
Le lendemain 

Ça va mieux: j’ai eu une contravention. Ça m’a rattachée au réel. J’ai une prune donc je suis. Merci Descartes. J’avais oublié de faire la révision technique et de plus la voiture est toujours au nom de ma mère, morte depuis cinq ans. Ça, ils ne l’ont pas vu, mais le défaut du contrôle, si. D’autre part, j’avais perdu l’attestation d’assurance etc etc… Ils m’ont recommandé gentiment de ne pas oublier de la payer sinon ce serait ma mère qui la recevrait. J’ai ri. Vous allez vous faire disputer. Si seulement. Il me semble qu’elle est moins morte tant que la voiture reste à son nom et que l’on parle d’elle comme de quelqu’un de susceptible de m'engueuler. Mais motus, sinon ça va chauffer. Le cabanon, toujours.

J’ai donc fait exécuter le contrôle technique lundi et le leur ai apporté fièrement avec l’attestation d’assurance et l’impression pour une fois d’être normale. (J’en ai profité pour m’assurer pour les maisons, ce que je n’aurais sûrement jamais fait sinon, c’est simple pourtant, il suffit de dire, un clic et c’est fini.) Il ne me reste plus qu’à payer les prunes, à moins que je laisse ce soin à maman. A la MAIF, le jeune gars préposé à l’accueil téléphonique m’a demandé pourquoi je quittais la Rich assurance. Je lui ai répondu que c’était à cause du syndrome de Stockholm*. Il n’a pas bronché et m’a dit:
-- Ah très bien.»
Il a dû croire que c’était un truc administratif.

* J'avais défendu la secrétaire surexploitée et qui s'en plaignait régulièrement -à moi, sur qui elle avait jeté son dévolu- qui naturellement s'était ensuite solidarisée avec son patron... contre moi.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire