Résolutions
Cela, je ne le dois plus
l’accepter. La prochaine fois, j’inviterai Annelise dans le plus infâme
boui boui qui existe Faubourg du soleil au milieu des pallaques et des loubards
pour manger sur une toile cirée douteuse un cassoulet bien visqueux au gros
rouge qui tache. Quoique non, finalement, car ce serait ensuite un sujet de
conversation original pour sa coterie. Ou je lui proposerai d’aller en visite à
la galerie de C. son meilleur ami, le nec plus ultra de la Cévenne d’en haut
qui ne salue personne à moins d’être du cénacle.
Je suis une femme alibi. Une
sorte de demi mondaine bon marché
dont il n’y a rien à redouter, pas arriviste pour deux sous, dont on aime la
société, que l’on encourage -un peu- mais que l’on ne présente pas au gratin
et/ou dont on a peur de la lancée. De cela, je me fous. (J’entends, du gratin,
pas du reste.) C’est seulement le symbole qui m’affecte. Est-ce moi qui génère
ces comportements chez les autres ? Est-ce inéluctable ? C'est forcément moi puisque personne n'y échappe dans mon entourage.
Le fait est: je ne suis ni
Cévenole tout à fait, et puis, de la Cévenne quasi provençale, pas celle des
châtaigniers, (cela ne parait pas mais ça fait une belle différence) ni
parisienne tout à fait, quoique ce soit ce qui me semble le plus qualifiant
pour moi car personne n’est vraiment parisien, je suis très bien parmi les
métèques, ni grande bourgeoise tout à fait, même si je me sens plus
à l’aise à présent parmi les Demarret qui m’aiment que parmi les Boissier qui
me détestent, ni prolote tout à fait, bien qu’ayant servi le peuple vingt ans
pour un salaire de misère, ni intello (si, un peu tout de même) mais aussi
paysanne -mais pas tout à fait, je m’épuise vite- ni artiste
-qu’est-ce que ça veut dire ?- ni rien. C’est sans doute ce qui
dérange les gens. Inclassable. Et si justement je profitais de ce personnage
que je n’ai pas choisi d’incarner et qui me pèse pour… Pour quoi ? Le
retourner ? A voir. Ce pourrait être drôle.
Le lendemain
Le cyclone encore: Rita, après
Catherine. Pourquoi leur donne-t-on des noms de femmes ? L’Amérique morfle
salement. Si j’osais… Dies irae, Bush.
Rebelote avec Erwan, qui m’appelle
à nouveau alors que depuis dix jours j’avais la paix, (et depuis quatre mois,
presque rien, le bonheur)… pour me dire diverses choses marrantes… et moins
marrantes. Messages sur répondeur. La moins drôle, ce sont ses menaces envers
Nathan et Guillem. Apparemment, quelqu’un lui a lu mon livre attentivement et a
pointé le passage qui était passé inaperçu à tous, en effet sans intérêt
véritable, celui, ultra bref, où je parle d’un «tramway nommé désir» et de
Nathan. La conclusion d’Erwan, pas si nulle au fond, est que j’aime Nathan
malgré tout et non lui, qui m’aurait "réparée"pourtant. Je
l’aurais utilisé etc… Pas tout à fait faux mais c'est bien lui qui m'a couru après et qui finalement m'a "eue" au souffle. C’est tout juste s’il ne m’accuse pas de détournement de
mineur. Mais du coup, sa rage contre Nathan est décuplée et je n’aime pas ça.
Par contre, le second coup de fil est plus joyeux et même carrément marrant. Il
m’y dit (toujours sur répondeur) qu’il ne m’a jamais aimée, que je me vante
sottement, que je suis vieille et moche, qu’il est content, très content même
d’être enfin débarrassé de moi et que je ne lui manque pas du tout, mais alors
pas du tout… etc (!) J'ai éclaté de rire; comment peut-il être si candide -et si retors d’autres
fois- même à 30 ans ? Il me reproche aussi le livre qui «ment». Ça me rassure: c’est après moi qu’il décharge son
ire cette fois, je préfère. J’ai enfin identifié son nouveau numéro et l’ai mis membre de
la liste «emmerdeur» -mode silence total- ce qui n’empêche pas messages et SMS.
Le lendemain
Ça va mieux: j’ai eu une
contravention. Ça m’a rattachée au réel. J’ai une prune donc je suis.
Merci Descartes. J’avais oublié de faire la révision technique et de plus la
voiture est toujours au nom de ma mère, morte depuis cinq ans. Ça, ils ne l’ont
pas vu, mais le défaut du contrôle, si. D’autre part, j’avais perdu l’attestation
d’assurance etc etc… Ils m’ont recommandé gentiment de ne pas oublier de la
payer sinon ce serait ma mère qui la recevrait. J’ai ri. Vous allez vous faire
disputer. Si seulement. Il me semble qu’elle est moins morte tant que la
voiture reste à son nom et que l’on parle d’elle comme de quelqu’un de
susceptible de m'engueuler. Mais motus, sinon ça va chauffer. Le
cabanon, toujours.
J’ai donc fait exécuter le contrôle
technique lundi et le leur ai apporté fièrement avec l’attestation d’assurance
et l’impression pour une fois d’être normale. (J’en ai profité pour
m’assurer pour les maisons, ce que je n’aurais sûrement jamais fait sinon,
c’est simple pourtant, il suffit de dire, un clic et c’est fini.) Il ne me
reste plus qu’à payer les prunes, à moins que je laisse ce soin à maman. A la
MAIF, le jeune gars préposé à l’accueil téléphonique m’a demandé pourquoi je
quittais la Rich assurance. Je lui ai répondu que c’était à cause du syndrome
de Stockholm*. Il n’a pas bronché et m’a dit:
-- Ah très bien.»
Il a dû croire que c’était un truc
administratif.
* J'avais défendu la secrétaire surexploitée et qui s'en plaignait régulièrement -à moi, sur qui elle avait jeté son dévolu- qui naturellement s'était ensuite solidarisée avec son patron... contre moi.
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