samedi 1 décembre 2012

Mépris, engrenage




Rebelote: pourquoi suis-je ainsi ? Ça allait mieux depuis la contravention: dentiste et tout… Et puis, voilà après la discussion avec Nathan que c’est reparti. Il faut réagir. Je vais l’appeler. Il faut qu’il comprenne… que je sache si son mépris envers moi est joué, relié à sa jalousie -selon lui, je l’ai quitté ; selon moi, c’est lui qui m’a fait partir, même sur ce point nous ne sommes pas d’accord- et à sa tristesse de ne plus être avec moi… ou véritable. C’est un risque que je prends. Celui de couler juste après le coup de fil. Fils de pute ? Il n’a sûrement pas aimé. C’est sorti comme ça, sous le coup de la rage. Une garce ? Oui, en un sens, c’est ce que je suis. C'est lui qui l'a généré.
Il a des excuses. Sa mère s'est acharnée avec persévérance et vigueur à gâché la vie de ses enfants et surtout la sienne, le seul fils. Et la mienne par ricochet, ainsi que celle de nos enfants, etc… d’où mon peu de bienveillance, c’est un euphémisme. Plus ou moins contrainte d'épouser un homme âgé, la mésalliance socialement reconnue quoiqu’à mi voix, dans le milieu bourge libanais ne tenant aucun compte de l’âge de la jeune épouse et celui du vieux mari, elle seule en était responsable. La situation des femmes mariées de force -plus ou moins- est en fait pire que celle d’une péripatéticienne. Elles savent se faire respecter: l’argent qu’elles exigent et qui leur est versé au coup par coup constitue le garant indiscutable de leur valeur. Des honoraires. Et le nombre est un facteur de liberté: si un se montre déplaisant, il y en a d’autres dans la file, et elles ne font que louer brièvement leur corps, non le vendre pour toujours. Enfin, elles ne sont en principe pas tenues à une obligation de réserve et de jeu d’actrices vis-à-vis du preneur provisoire lorsqu’il les besogne. Que cette situation qui ne peut se comparer à aucune autre sauf l’esclavage… et encore, il n’est pas imposé à l’esclave d’aimer réellement son maître conduise ensuite à la jalousie et à la cruauté  est naturel, surtout en ce qui concerne l’amour sexuel, l’élément le plus magique de l’existence qui leur est à jamais interdit… 
Je vais l’appeler. Ce mariage dont sa mère si convenable ne lui laissa rien ignorer des sordides détails -y compris sexuels- fut le traumatisme de sa vie. Ce fut même l’objet de ses premières questions. Tes parents s’aiment-ils ? Cela me paraissait évident. Ont-ils le même âge ? Ma mère a dix mois de plus que mon père, c’est un sujet de plaisanterie entre eux. Il avait souri. Ont-ils fait un mariage d’amour ? Bien sûr. Qu’auraient-il pu faire d’autre ? Il m’avoua alors brièvement, et n’y revint pas pendant longtemps, que ce n’était pas le cas des siens. Je n’ai pas compris sur le coup. C’est longtemps après qu’il me confessa avoir haï son père. La malheureuse avait à chaque fois, des filles, et à chaque fois, la déception voire colère du mari qui se sentait volé. Cette épouse toujours malade qui ne produisait rien (car les filles n’étaient, à strictement parler, rien) ne valait pas les visons et bijoux qui lui étaient impartis. Après la naissance de Nathan, croyant naïvement que la série des «rien» avait cessé, il l’engrossa aussitôt… de Michèle, la plus sympathique de toutes les filles, qui fut accueillie avec une immense peine. Véronique puis Mona ensuite furent paradoxalement mieux acceptées: la résignation accablée avait définitivement remplacé le fol espoir. Plus de désespérance, puisqu’il n’y avait plus d’espérance... Alors, une fille de plus ou de moins… Nathan était triste lorsqu'il en parlait. Notons que la fragilité de sa mère était toute relative puisqu’elle mourut tout de même fort âgée. Oui. J’ai cogné fort et je m’en veux. Trop tard, c’est fait. Quelque chose en moi de dangereux.. C'est devenu vrai. Même si ça ne l'était pas au départ, magie funeste des mots devenus maux.

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