EDF, une merveille. Entre la saga de Gösta Berling,
Courteline et Kafka. C'est le monde des ils et des ons. Premier acte.
J’appelle samedi pour qu’ils rétablissent, on me dit de payer par
carte bancaire, ce qui fait toujours hésiter, mais on précise que de
toute manière cela ne pourra pas être fait avant lundi. Cependant ajoute-t-on
(un on sympathique tout plein) dès le règlement effectué, c'est-à-dire
dans la même journée, ils viendront rebrancher, c’est le règlement.
C’est donc un coup de lundi. Soit. J’annonce l’évangile au curé ravi.
Aujourd’hui lundi, re appel, carte
bleue en main, tant pis pour le risque. Le nouveau on -une one cette
fois- réprobatrice, me prévient qu’on ne peut pas me rétablir
avant d’avoir mis en place un prélèvement automatique, c’est le règlement,
impossible de déroger. Soit, je l’aurais fait de toutes manières. Mais on
veut mon relevé d’identité bancaire, que je n’ai pas. Donc il me faut appeler
la banque à Paris qui me le faxera. Parfait. Sauf que l’agence est fermée le
lundi.
Sauf aussi que ce n’est pas du
tout ce qui m’avait été dit samedi par «EDF» ce monstre fait de ons
et de ils que l’on ne sait même plus localiser. Où est le bon temps où
on demandait à l’employé comment allait sa mère ? Je me sens soudain un
croûton inadapté qui n’a plus droit à la vie ou du moins au courant électrique.
Je proteste donc: samedi, il n’avait jamais été question de prélèvement
automatique -mais par contre je pouvais tout de même payer.- On ne se
démonte nullement et on me répond que c’est normal parce que c’était le
week end (?) Le règlement est-il différent le week end et en semaine ?
Non, évidemment rétorque-t-on avec hauteur -et accent du midi cette
fois- mais celui-qui-m’a-répondu-samedi était à Quimper. Soit, mais à Quimper,
le règlement d’EDF varie-t-il ? Réponse hautement philosophique: non,
c’est ici que ça varie. ! Oui. Ici, ce n’est pas comme à
Quimper. D’accord, mais ne le savait-il pas, ce renseigneur de Quimper,
qu’ici c’était ici, tout différent d’ailleurs ? Non, bien sûr, il
ne pouvait pas savoir puisqu’il était à Quimper. !! Je
commence à craquer. J’allume un clop.
Mais alors pourquoi un service
renseigneur qui ne peut pas savoir puisqu’il est à Quimper? One
est intraitable et reprend en boucle: ici, c’est ici, et Quimper, c’est
Quimper, ils ne peuvent pas savoir, c’est normal. Ca commence à chauffer
(à ? cts d’euros la minute). Mon chien aboie férocement pour me soutenir. On
se fâche et raccroche. Mon Dieu, pourquoi m’a-tu abandonné ?
Je remercie le caniche mais lui
explique que ce n’est pas avec de tels arguments que le curé sera «rétabli»
aujourd’hui. Il faut savoir composer avec les ons. Qu’il me laisse
faire, le chef c’est moi. Je retente le coup. Cette fois, on est plus
sympathique et on me dit qu’on va me rappeler pour vérifier que
je suis moi... (Au cas où un inconnu voudrait payer à ma place ?) Et on
me rappelle en effet, merci mon Dieu. One, cette fois, est gradée,
dynamique et pleine d’allant, une one pour cas difficiles sans doute.
Elle enregistre mes coordonnées bancaires, ça marche. Puis mon chien aboie
encore, mais de joie. Pourquoi ça coupe à chaque fois ? Je rappelle: la
nouvelle one n’est pas au courant, mais elle est peut-être à Honolulu,
il va falloir tout reprendre à zéro. Non ! On me rappelle sur mon
portable, et miracle, c’est la première one qui s’excuse d’avoir coupé,
ça arrive tout le temps, ce n’est pas du tout à cause du caniche, le standard
est saturé car ils ont énormément d’appels (apparemment ils ont
beaucoup castré ces temps-ci) etc... Ca marche merci mon Dieu. Le paiement est
accepté m’assure-t-elle. Ouf. Je vais peut-être être rétablie,
comme ils disent, tout à l’heure même. Ou, en tout cas, comme ils s’y
engagent formellement, dans l’après-midi.
Mais je dois être présente car il
faut tout disjoncter auparavant. Soit. Je cours, vole et… Non, ce n’est pas la
peine de courir me dit-on. On va me rappeler. Ce sera un autre on
encore, mais un on d’une toute autre dimension, mâle et armé de
pinces, fils et fusibles, un on qui coupe et découpe. Ce sont les seuls ons
identifiables et identifiés de la bande, les seuls que l’on peut attraper mais
l’on n’ose. Des bons ons parfois. Quoiqu’un des ces ons est assez
mauvais cheval ; la dernière fois, il a voulu tout vérifier et a exigé que
j’installe un disjoncteur au sous compteur, peut-être avait-il raison… mais
c’est un ancien élève de maman et son air sournois me semble d’assez mauvais
augure. Voudrait-il par hasard se venger de la mère sur la fille ? C’est
déjà arrivé. Le on m’a pourtant assuré que Pauline lui avait laissé un
excellent souvenir, d’ailleurs il était plutôt bon élève. Alors,
jalousie ? Qui sait ? Quelque chose dans son regard ne me plaît pas.
Je lui ai demandé son nom, je connais tous les élèves de maman, mais pas ce on
là. Il devait être du genre bûcheur incolore inodore et sans saveur abonné à la
huitième place, un jour rétrogradé à la neuvième. A cette époque, le pouvoir
d’un instit de village était féodal. (José a confirmé: «c’est un con.»)
J’attends donc l’appel de on. Espérons que cela ne sera pas celui-là.
L’histoire devient palpitante.
Notons qu’à l’origine, c’est
entièrement de ma faute. Puis, de celle du curé. Et que je suis salement
manipulatrice puisque j’ai fait l’andouille avec l’histoire du prélèvement
automatique jusqu’à ce que j’arrive à trouver un on plus malléable que
les autres. Un jeune on sans doute, pas encore rompu aux arcanes du
rapport EDF/clients. L’anonymat comporte des avantages: si un on
bloque, on peut toujours en essayer un autre… jusqu’à trouver le bon on,
tandis qu’au guichet, devant un on unique et omnipuissant aux yeux
glauques et cruels qui vous barre la route comme un Patou en service, macache,
à moins d’Erwan avec son AK 47. On va peut-être se faire engueuler
demain. Je m’en veux… A moitié: le curé ne peut plus rester dans le noir, la
fin justifie les moyens, on ne fait pas d’omelette sans casser les œufs, la loi
est faite pour les hommes et non l’inverse, je préfère la justice au dictats du
tyran etc… je m’accable de formules incantatoires pour justifier ma turpitude…
J’attends. Le cœur battant. Qui sait si on ne s’est pas aperçu de ma
fourberie ? Je n’ai pas la conscience tranquille. Kafka. Je vais me faire
un café pour calmer mon angoisse. Mais il n’est que deux heures. On
mange sûrement.
Ma roublardise n’a pas été
détectée ; mes angoisses étaient sans objet. C’est un on syndiqué
qui m’appelle pour m’annoncer qu’il est en grève. Je ne puis le lui reprocher
car c’est justement à cause de la délocalisation. Quimper répondant pour
Malaigues et vice versa, cela entraîne ce que l’on vient de voir, des emplois
supprimés, et le client auquel on facture les communications, mécontent et
totalement perdu… Qui ne sait même plus qui maudire. El pueblo, unido, jamai
sara vincito. Soit. Mais enfin ça ne m’arrange pas. Je lui conte ma vie, je
dramatise, le curé seul sans électricité qui déprime etc… Il va voir. Il semble
ouvert et serviable -ce n’est pas l’ancien élève de maman-. J’espère que ce
n’est pas celui-là qu’il va consulter. Je vais acheter des cigarettes, mon
portable à la main, prête à bondir. Ce journal seul me permet de résister à
l’angoisse de l’existence à laquelle je me sens totalement inadaptée. Coupable.
Nulle. Je vais voir mon horoscope. Il me dit bêtement que plus je m’intéresse
aux autres et plus on s’intéresse à moi. Le beau scoop. J’ai honte.
Quinze heures. Toujours rien. Je
rappelle. On m’exhorte de ne pas m’en «faire», on me confirme que
l’ordre de mission est bien parti, on leur a tout expliqué, le
lieu, l’urgence, de m’appeler une demi heure avant, tout est nickel, pas de
souci. Ils vont m’appeler.
Seize heures. Même conversation ou
à peu près. Il ne faut pas m’inquiéter, ça ne va pas tarder, c’est
normal qu’ils tardent, ils ont du travail... etc Je fixe mon
portable depuis trois heures, en vain. Le caniche s’endort. Il a perdu espoir.
Dix sept heures, ça se gâte. Et
flûte, j’ai payé, ils doivent contractuellement me rétablir. Rappel.
Deux fois. Toujours la même voix suave, puis un soupir et la douce musique. Re
soupir et à nouveau, l’autre voix, disharmonieuse, celle-là.
-- Si vous aménagez, tapez 1, si
vous êtes un professionnel, tapez 2, si vous… Mais, j’ai le coup à présent, je
tape directement le 4 à une vitesse d’enfer, une virtuose du clavier, je suis
devenue. Car mon cas est le 4, naturellement le dernier proposé et cependant le
plus fréquent. Un énième on. Il faut tout reprendre à zéro comme à
chaque fois. Mais là aussi, j’ai le coup. Nom, prénom, domicile, à toute
allure. Demarret, Irène, Le Ranquet, coupure etc… Ne quittez pas. On va
voir avec un autre on, plus important sans doute… Je ne quitte pas. Mais
c’est on qui me quitte, au bout d’un assez long moment. Je rappelle,
furieuse. Encore un autre on, qui me dit qu’il ne peut pas prendre
l’appel car il est occupé. J’attends, puis je crie enfin, ça soulage. Le prix
de la communication etc… Un simple appel local, une broutille m’annonce ce on-là,
un peu dédaigneux devant ma ladrerie. D’accord mais c’est le dixième. (?)
On consent enfin à s’occuper de moi et à abandonner un dossier urgent.
Nom, prénom, etc… Je dévide. N’allez pas si vite, je n’ai pas noté. Puis, un
silence embarrassé. On appelle devant moi Soubeirannes et on
discute ferme. J’apprends ainsi que ce dernier on est logé à Beaucaire.
C’est toujours mieux que Quimper, quoique… (J’entends tout: la cliente est
mécontente etc…)
Et hélas c’est le coup de
théâtre, l’intervention d’un deus ex machina, mais à l’envers. Un diable ex
machina, plutôt. On finit
par me résumer, l’air penaud, la conversation vue de l’autre côté: ils
ne sont pas très sûrs de me rétablir, ni aujourd’hui ni même demain. A vrai
dire, ils sont même plutôt sûrs du contraire. Car demain il y a grève
etc… On a l’air fort ennuyé. Je hurle, demande à parler au responsable. On
me le passe aussitôt avec empressement. C’est une one. Qui m’affirme
sèchement qu’en effet, elle ne peut rien garantir, elle préfère me le dire honnêtement
car elle est honnête. Ni aujourd’hui, ni même demain. Ils ont bien
demandé le rétablissement comme il se devait après le paiement, ils
ont la conscience tranquille, mais ils n’ont en fait aucun pouvoir
sur les services techniques, qui peuvent faire… ou ne pas faire. Des
épiphénomènes en somme… Alors pourquoi affirmer que… ? Ce n’est pas moi
qui vous l’ai dit. Là, one se moque carrément de moi. Le ton soutenu
réveille le caniche qui veut intervenir. Vous êtes responsable donc vous ne
pouvez vous défausser sur un inférieur. Ce qu’il a dit -qui est du reste la
règle- c’est comme si c’était vous qui l’aviez dit… A x cts d’euros la minute,
je me paie le luxe de lui faire un petit cours sur la notion de responsabilité
administrative, avec ma plus belle voix Sorbonne sans doute. One en
convient tout à fait et me promet qu’on va régler ça en interne. Je m’en
fous.
Et one tente de noyer le
poisson en évoquant les intempéries (?) qui auraient nécessité des
dépannages en urgence… Pourquoi alors garantir des prestations que vous savez
fort bien n’être pas en mesure de fournir, comme vous venez de l’avouer ?
Il y a des impondérables etc… Je craque. Appelez demain matin à la première
heure, on pourra toujours vous dire quelque chose. Je ne veux pas
que vous me disiez quelque chose, surtout pas, mais seulement que vous
me rétablissiez le courant.
Je n’en peux plus. Suite au
prochain épisode.
Ce n’est donc pas fini. Je vais
voir un film idiot à la télé. Je n’ai plus que ça. Du coup, je n’ai pas
téléphoné à Nathan. A toute chose malheur est bon, dit le proverbe. Je sais à
présent que je ne l’appellerai pas. Ouf. J’ai cicatrisé la conversation
d’avant-hier au terme de laquelle il me disait coupable des aléas toujours
identiques qui me frappent souvent, élargissant la plaie au lieu de la panser.
Il y a aussi autre chose dont je voudrais parler… mais je n’y arrive pas. Je
vais rouler un peu puis je verrai si j’ai le courage.
EDF, second
épisode
Rappel EDF ce matin, première heure
c'est-à-dire dix heures. C’est presque du temps complet. La nouvelle one
(ne quittez pas) cherche à contacter sa chef, en vain car elle est en réunion
-tu parles- puis elle m’assure re-noter et relancer tout le processus et
s’excuse, après avoir lu avec attention, à voix haute, ma saga de la veille qui
apparemment a fait l’objet d’un chapitre entier d’une nouvelle interne à EDF
avec date, heures, noms des ons qui m’ont répondu et principales
répliques échangées dans leur substance et presque dans la lettre -compte rendu
à peu près exact sauf au moment crucial de l’affaire lorsqu’on m’a
raccroché au nez, où il est mensongèrement écrit «la cliente a raccroché».
Menteurs.- On m’assure qu’on va m’appeler et tout faire pour
que... Turlututu. Je donne aussi le numéro du fixe. On ne sait jamais, si le
portable dysfonctionnait, deux précautions valent lieux qu’une. Ca repart, pour
la journée sans doute. Je suis toujours prête à bondir, entre portable et fixe,
clés de voiture devant moi. Si seulement je pouvais lire mon courrier…
Hier j’ai réfléchi. Je vais
l’écrire, cette chose qui me taraude. Tant pis. Je l’ai mentalement
«écrite» dans la voiture, en conduisant. Il le faut. Sinon tout cela ne sert à
rien.
EDF, troisième
épisode, suite et fin
«EDF» n’a toujours pas appelé.
C’est fichu, à présent. Le curé est navré car il ne peut plus recharger son
portable. Tiens, il commence à prendre conscience que pour lui aussi, c’est
ennuyeux. Demain, peut-être ? Je n’ai même plus la force de me révolter.
Et auprès de qui, à cette heure ? Je vais ranger la galerie. Lourde
tâche. Agréable, au fond.
Miracle, coup de théâtre, «EDF» a
appelé… vers dix sept heures trente. Les ons techniciens cette fois, les
vrais, les seuls qui valent la peine. Des ons chirurgiens, des ons
tranchants. Un peu gênés. Est-ce que ça vous embête si on ne vient que
demain ? Parce qu’il est tard, comprenez- vous, et, etc... Mon énergie
revient d’un coup, finalement intacte. Je hurle. Bon, d’accord, ils vont
venir. Je fonce. Un embouteillage à Pont d’Avène. Un accident ? Ce n’est
pas possible. Je suis décidément maudite. Cela n’arrive jamais. Et il faut que
ce soit juste aujourd’hui… Je coupe la file, je slalome, portable sur les
genoux. Ouf, je suis passée, sous l’œil stupéfait des quidams qui attendent
sagement à la queue leue leue. Alléluia. Soubeiranes. Je les vois enfin,
garés vers le pont. Merci mon Dieu. Un camion bleu. Le gars qui est au volant
me fait signe d’y aller, il me suit. J’y «vais» donc. Personne derrière moi. Il
doit manœuvrer sans doute. Le curé sort, joyeux. Ils arrivent.
Enfin ! On descend vers le portail. Et on regarde le chemin. Bêtement, car
il n’y a rien à voir. Anne ma sœur Anne… On se sent dépendants, stupides mais
ça ne fait rien, on reste là, figés comme des santons. On attend. Personne. Il
est dix-neuf heures à présent. Ca, c’est mauvais. Mais où sont-ils passés
? Vous êtes sûre que vous les avez bien vus ? S’enquiert le
curé, qui redoute une hallucination. Oui. Il ne faut pas plus de trois minutes
du pont pour arriver ici. Je le sais bien. Il se désespère. Moi aussi. Je
rappelle deux fois le 810. Quimper, comme d’habitude, ils ne savent pas etc… Je
raccroche, après un merde retentissant, ça y est, j’ai craqué.
Je retourne au pont à toute allure.
S’ils étaient partis ? S’ils s’étaient perdus ? C’est
arrivé. Je manque d’emboutir un vieux monsieur en voiture qui marque trop
longuement le stop. Dégage connard, je ne l’ai pas dit mais bel et bien pensé.
Ca y est cette fois, je suis folle.
Le camion est toujours là, ouf. Je
me gare en double file sans mettre le clignotant. J’entends derrière moi
crisser des freins. Une moto fait un écart. On est toujours au volant, à
l’arrêt. Placide, on écoute la radio, on a visiblement la vie
devant soi. Il attend, me dit-il. Mais quoi ? Qui ? L’autre. Quel
autre ? Il faut qu’on soit deux. Pourquoi ne pas me l’avoir dit ? Ca
fait deux fois que j’appelle. Il ne savait pas. Vous vous rendez compte que
vous rendez les gens dingues ? Non. Re coup de freins. J’y vais, c’est
dangereux. Le Ranquet, encore. Je rassure le curé qui en pleure presque. Si
près du but, mon Dieu et puis plus rien… C’est trop injuste. Je le lui
certifie, ils vont venir. Ils arrivent. Les voilà !!! Tous
les deux. Ils rétablissent en trois secondes, sans même nous faire l’aumône
d’un regard. Mais je les attends de pied ferme pour le dernier acte vengeur.
Discussion animée à laquelle, ô
stupeur, participe fortement le curé, qui, caché derrière moi, crie et
gesticule, les traitant indirectement de feignants de fonctionnaires, ce qu’ils
ne sont pas. Le ton est si soutenu que j’ai peur à un moment que, par mesure de
rétorsion, ils recoupent. Ces hommes à pinces sont puissants et
dangereux. Marina passe et repasse en quatre quatre devant le portail… et
ralentit à chaque fois, braquant légèrement son engin, mine de rien, sous
prétexte de malhabileté et d’étroitesse du passage, vers le dégagement de
l’allée où, tout en en haut, comme sur une scène de théâtre, a lieu le dernier
acte, très enlevé, de la pièce «Irène et EDF». (C’est tout à fait inutile, le
camion est bien garé, et elle est une conductrice macho, toujours à fond, mais
plutôt dégourdie ; malgré ses pointes de vitesse dangereuses dans ce
chemin en terre battue, elle n’a jamais écrasé un enfant, ce qui est tout à
fait remarquable.) J’ai envie de lui lancer: arrête toi carrément, tu
économiseras de l’essence et ce sera plus facile pour écouter.
Ils n’ont pas été prévenus que je les attendais
hier. Non, il n’y avait pas particulièrement de travail ni d’urgence ce jour
là. Mais c’est que voilà : c’est le «Central» qui appelle «Nîmes» ;
ensuite «Nîmes» qui appelle «Malaigues» ; puis «Malaigues», les Chefs de
Soubeirannes ; et enfin les Chefs, eux… Un travail délicat, comme
on peut voir, en quatre actes essentiels. Où diantre le fil a-t-il rompu ?
On ne sait pas. Ce n’est pas eux, en tout cas, ils ne
demandaient qu’à me rétablir, ils ne sont pas mauvais bougres, et ça
prend deux secondes, vous avez vu, et en plus, il n’y avait pas grand-chose à
faire hier après-midi. C’est les Chefs… (?) En tout cas, les risques de
thromboses anévrismales augmentent en proportion du nombre d’étapes dans tous
ces ordres sinueux répercutés. Ils en conviennent et me conseillent de leur
faire une lettre, à ceux de Nîmes. Puisque eux n’y sont pour
rien. Fin de l’épisode. Le curé a l’électricité. Dieu soit loué. Je sens en moi
la satisfaction du devoir accompli. Bêtement. A ce propos, il a oublié de me
payer.
Je file à Atuargues. L’instit
m’attend.
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